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Lectures

Comptes rendus

  Sommaire  

 2010

- Frédéric Loppe, Construire en terre pendant la guerre de cent ans : les fortifications de Castelnaudary (Aude) vers 1355 - vers 1450, Carcassonne, Centre d’archéologie médiévale du Languedoc, 2010, Archéologie du Midi Médiéval, supplément n° 7, 302 p., ISBN 978-2-9183650-7-5.

Compte rendu de Philippe Bernardi
Cet ouvrage reprend et condense en grande partie une thèse de doctorat soutenue en 2007 à l’Université de Provence. Son propos s’avère double puisque, inversant en quelque sorte l’ordre donné dans le titre, l’analyse minutieuse des modes de fortification d’une ville prise dans la tourmente de la guerre de Cent Ans passe par une étude détaillée des techniques de construction en terre crue. Le lien entre les deux prend sa source dans le choix initial de tenter de tirer parti de l’existence d’un fonds d’archives remarquable : celui des comptes consulaires de Castelnaudary, composé pour les années 1359-1448 de pas moins de 32 registres dont la richesse en matière de mise en défense n’avait jusque-là pas été exploitée. L’analyse rigoureuse de ces textes a, très vite, mis en évidence un usage important de la terre crue - longtemps passé inaperçu pour des raisons terminologiques ; le mot paret ne désignant pas, par exemple, en Lauragais la muraille de manière générique mais « un mur de terre crue massive ». Amené ainsi à forger pour partie son lexique technique, l’auteur a eu l’heureuse idée de consigner le fruit de ses travaux en annexe dans deux gros glossaires : l’un consacré aux termes occitans et l’autre aux termes latins.
Le récent développement de l’intérêt des historiens pour les techniques de construction en terre crue - dont témoignent, en France, les travaux d’André Bazzana comme ceux de Dominique Baudreu, Claire-Anne de Chazelles et Alain Klein [1] - a donné, par ailleurs, aux recherches engagées par Frédéric Loppe une nouvelle orientation en mettant en avant cette dimension technique de la mise en défense.
Longtemps considéré comme limité au monde rural, voire au haut Moyen Âge ou au mieux au monde arabe ou arabo-andalou, l’emploi de la terre crue dans les fortifications médiévales est ici bien mis en évidence pour une ville de près de 5000 habitants au milieu du XIVe siècle. Ce recours est envisagé méthodiquement ; l’apport des textes se trouvant complété tant par des études et des prospections archéologiques, que par des travaux documentaires dans les écrits des ethnographes. Rapidement introduit par une présentation des comptes consulaires et de la ville de Castelnaudary entre 1359 et 1447, le livre se compose de trois parties respectivement dédiées : aux « constructions en terre massive » ; aux « Colombage/torchis et autres utilisations de la terre crue » ; pour s’achever sur une étude de « La dimension socio-économique de la terre crue dans la fortification médiévale en Lauragais et Toulousain ». Il n’est pas question d’entrer ici dans le détail du traitement des techniques que l’auteur envisage de manière systématique ; évoquant tour à tour l’outillage, les matériaux, les modes de mise en œuvre et les lieux d’application. Il suffit pour s’en convaincre de mentionner, par exemple, le fait que pour les parets coffrées (principale technique de construction des enceintes urbaines en Lauragais) sont successivement abordées les questions :
- de la terre employée ;
- des végétaux ;
- des banches pour le coffrage (dimensions et nature) ;
- des perches ;
- de l’assemblage des éléments ;
- de la fixation des banches ;
- du compactage de la terre ;
- de la période de travail.
L’ouvrage s’achève, comme cela a été dit, sur la « dimension socio-économique de la terre crue ». Cette dimension socio-économique, recouvre, d’une part, une étude sur le personnel employé et, de l’autre, sur le coût des matériaux et des ouvrages. Une division qui place la question des salaires un peu en porte-à-faux : abordée avec le personnel, elle trouverait tout aussi bien sa place dans les coûts. On retrouve dans cette dernière partie le même traitement systématique des données ce qui en fait, en l’occurrence, un peu sa faiblesse. Les listes de salaires et de prix nominaux collectées s’avèrent, en effet, peu éloquentes pour le lecteur. Il n’en va pas de même, heureusement, d’une grande part des données consignées dans cette ultime partie. Citons, par exemple, l’analyse de l’origine des ouvriers travaillant la terre crue qui met au jour l’intervention, principalement, de personnes originaires d’un grand quart sud-est de la France, mais également d’un contingent de Bretons. Cette étude chahute par ailleurs un a priori qui voudrait que la terre crue ait été un matériau pauvre ou de la pénurie car les comparaisons proposées permettent de souligner qu’à Castelnaudary il revenait plus cher de bâtir en terre qu’avec des pierres et du mortier de chaux. Présentée comme un jalon dans l’identification des techniques d’édification en terre crue, cette étude déborde amplement du cadre de Castelnaudary pour évoquer le Lauragais et le Toulousain. Elle attire l’attention, après les travaux de Germain Butaud sur Carpentras , sur un mode de fortification dont l’importance a probablement été sous-estimée pour le bas Moyen Âge.
La rigueur de l’analyse menée fait que l’intérêt de l’ouvrage ne se limite pas à son argument central. Outre les glossaires déjà mentionnés, il faut souligner que le livre de Frédéric Loppe nous propose aussi l’histoire d’un chantier urbain médiéval.

 2009

- Maria Grazia D’Amelio (avec la collaboration de Leonardo Tiberi), L’obelisco marmoreo del Foro Italico a Roma. Storia, immagini e note tecniche, Rome, Palombi Editori, 2009, 209 p., ISBN 978-88-6060-232-9

Compte rendu de Philippe Bernardi
Le livre que Maria Grazia D’Amelio consacre à l’histoire de l’obélisque de marbre commandé sous Mussolini pour le complexe sportif de l’école supérieure d’éducation physique, à Rome, montre, s’il en était besoin, tout l’intérêt qu’il peut y avoir à passer outre les cloisonnements académiques imposés à nos disciplines. Au-delà de la « métaphore monumentale d’un nouvel ordre social » (p. 36) ce que Maria Grazia D’Amelio nous invite à suivre, des premiers projets d’Enrico Del Debbio (1891-1973), en 1927, à l’inauguration du 4 novembre 1932, c’est l’histoire d’une construction de prestige qui, malgré sa démesure ou à cause de celle-ci, entre en résonance avec de nombreux autres chantiers de ce type.
La superbe documentation réunie pour retracer les différentes phases de construction de cet obélisque met en évidence des références qui dépassent largement le rappel formel de l’antique (qu’il soit égyptien ou romain) ou des fastes de la Rome chrétienne. Le caractère exceptionnel de l’entreprise engagée a conduit à innover, certes, mais également à rechercher chez les auteurs anciens des solutions et des pratiques susceptibles d’être adaptées. Vitruve et son De Architectura, bien sûr, mais également Domenico Fontana (1543-1607) et son Della trasportazione dell’Obelisco Vaticano [2], édité à Rome en 1590, peut-être aussi Vincenzo Scamozzi (1548-1616), comme le suggère l’auteur.
La démesure du chantier se révèle à travers quelques chiffres : un obélisque monolithe de 17,10 m de longueur pour 2,62 m sur 2,35 m de section et un poids de 300 tonnes. Un piédestal de 14,30 m de haut soit une hauteur totale du monument de plus de 31 m. Si l’obélisque ou plutôt plusieurs obélisques figurent dès le début sur les projets du complexe sportif, le choix d’un bloc monolithe a été déterminé par la mise à disposition d’un bloc aux qualités et dimensions exceptionnelles, donné par les industriels de Carrare désireux de relancer leur production. Dégagé en juillet 1928, le bloc de marbre est descendu de la carrière à partir du mois de novembre suivant. Tiré par 66 bœufs, manipulé quotidiennement par 50 ouvriers qui y consacrèrent en tout près de 10 000 heures de travail, il se trouve prêt à être chargé sur un bateau, à quelques 10 km de là, en mars 1929. Débute alors son transport par voie d’eau. Après trois jours de mer, l’embarcation spécialement construite pour cela arrive à Porto San Paolo, où elle doit attendre 5 mois un débit suffisant du Tibre pour remonter jusqu’à Rome (le 23 novembre 1929) où le bloc une fois débarqué attendra près de 3 ans sa mise en place, prévue pour l’anniversaire des 10 ans de la marche sur Rome de Mussolini.
L’opération de redressement de cet obélisque de plus de 17 m et de près de 300 tonnes n’allait pas sans poser d’importants problèmes techniques. Il fut résolu par la confection, en partie inspirée de Fontana, d’une sorte de plan incliné sur lequel des vérins hydrauliques firent progressivement, en près d’un mois (du 21 août au 18 septembre 1932) passer la pierre de la position horizontale à la verticale. Ne restèrent plus à faire que les travaux de finition, à graver les neuf lettres de Mussolini sur l’une des faces et à poser un pyramidion de bronze doré au sommet du monument.
Découverte inespérée d’un matériau exceptionnel, mobilisation d’effectifs humains et animaux dont le nombre marque l’imagination, lenteur du transport, dépendance à l’égard des conditions naturelles, mise au point d’engins particuliers, mise en scène des différentes phases des travaux… il y a là bien des points communs avec certaines entreprises antiques, médiévales ou modernes. L’auteur, spécialiste des chantiers romains d’époque moderne, a su dégager les similitudes et les références sans pour autant gommer le caractère résolument novateur du monument ou les conditions particulières de son édification. Œuvre de propagande, « Icône du fascisme de pierre » (p. 31), l’obélisque du Foro Italico a vu les diverses étapes de son édification traitées comme autant d’événements : soulignées par diverses visites de personnages de premier plan ; commentées et suivies par la presse ; fêtées officiellement. Maria Grazia D’Amelio a laissé une large place aux témoignages fournis par les reportages photographiques et les documentaires filmés de l’époque, conférant ainsi un caractère presque ethnographique à son travail. Le livre s’en trouve abondamment illustré et dépasse même le cadre du support papier pour s’enrichir d’un DVD retraçant les différentes phases du transport de l’obélisque filmées par l’institut Luce. Fiche technique, chronologie des travaux, glossaire, pièces d’archives justificatives, liste détaillée des sources utilisées et index permettent, enfin, de tirer tout le parti possible d’un bel ouvrage qui s’avère bien plus qu’une simple monographie sur l’obélisque de marbre du Foro Italico.

- Anna Decri, Un cantiere di parole, glossario dell’architettura genovese tra Cinque e Seicento, Florence, All’Insegna del Giglio, 2009, Coll. Biblioteca di Acheologia dell’Architettura, 6 , 176 p., ISBN 978-88-7814-439-2 [3]


Compte rendu de Philippe Bernardi
Après l’ouvrage d’Anna Boato, consacré aux matériaux et aux techniques de construction à Gênes entre XVe et XVIe siècle [4], et celui de Luciano Grossi Barbi, portant sur les transformations subies par l’habitat génois entre XVIe et XVIIe siècle [5], la collection Biblioteca di Acheologia dell’Architettura nous livre, avec ce volume poétiquement intitulé Un chantier de mots (Un cantiere di parole), un troisième volet de l’enquête menée, au sein de la faculté d’architecture de l’Université de Gênes et en lien étroit avec l’Istituto di Storia della Cultura Materiale (ISCUM), sur l’histoire de la construction génoise. Cette publication est le fruit d’un travail engagé dans le cadre d’une thèse de doctorat soutenue par l’auteur sous le titre Conoscere l’architettura, manufatti nel Settecento genovese. Elle nous présente non l’intégralité de cette thèse mais, en quelque sorte, l’étape fondamentale du traitement des données : celle qui consiste en l’identification des termes et des notions utilisés dans les sources textuelles disponibles. Car le « chantier de mots » dont il s’agit est celui que nous permettent d’appréhender les riches archives notariales génoises entre XVIe et XVIIe siècle. Dans la lignée de l’entreprise d’« archéologie globale » engagée à partir de la fin des années 1960 par le regretté Tiziano Mannoni, [6] c’est, en effet, à une approche de l’histoire matérielle du bâti génois qu’invite ce « glossaire de l’architecture génoise entre XVIe et XVIIe siècle ». Si le principe d’une telle démarche est bien admis et a connu des précédents fameux avec, par exemple, le Recueil de textes relatifs à l’histoire de l’architecture et à la condition des architectes en France au Moyen Âge, de Victor Mortet et Paul Deschamps [7]., le chercheur, une fois réuni son corpus de textes, s’avère encore aujourd’hui bien handicapé par le laconisme ou le mutisme des dictionnaires disponibles vis à vis des termes techniques rencontrés.
Partant du double constat de l’existence de nombreux documents évoquant les pratiques constructives modernes et des difficultés posées dans l’appréhension de celles-ci par le caractère désuet du langage technique employé par les rédacteurs, Anna Decri propose, avec ce glossaire, ce que l’on pourrait désigner comme une série de clés pour l’analyse des pratiques architecturales génoises modernes.
Cet ensemble se fonde sur le traitement d’une base de données de quelques 604 fiches, correspondant à autant de documents intéressant la construction génoise, recueillis dans les archives notariales génoises pour une période allant de 1550 à 1700 environ. Contrats de construction, ventes de matériaux, expertises, locations, emphytéoses, quittances… y sont sollicités et mis en résonance avec l’analyse archéologique du bâti contemporain pour proposer des définitions pour près de 500 entrées.
Après une courte introduction (5 pages) qui propose une rapide présentation du travail, l’essentiel de l’ouvrage (p. 17-133) se compose du glossaire annoncé. Termes mais aussi appellations ou expressions y sont présentés sous leur forme la plus courante (en gras) et sous les diverses variantes rencontrées (en italique). L’auteur en propose, suivant les cas, une ou plusieurs définitions claires et précises, en accord avec son emploi dans les sources génoises. En cas de divergence entre le contexte génois et les définitions proposées par les dictionnaires courants, en effet, le sens proposé par ces derniers est mentionné sous la définition.
Ces définitions sont suivies de citations extraites des sources notariales qui viennent en quelque sorte appuyer la définition donnée. Ces définitions sont également étayées par une vingtaine de figures, tirées des archives génoises, qui illustrent une ou plusieurs des entrées du glossaire. Un système de renvoi plus clair entre définitions et figures n’aurait toutefois pas été inutile. En revanche, l’auteur donne un fort utile index thématique permettant une utilisation plus ample ou comparative du glossaire ; chaque chercheur pouvant y trouver aisément le vocabulaire génois correspondant à son ou ses domaine(s) d’intérêt.
Enfin, une liste complète des documents sollicités, classés par date et donnant leur référence précise, clôt ce volume conçu comme un outil efficace. La publication d’un glossaire est une aventure courageuse qu’il convient de saluer surtout quand, comme dans le cas présent, c’est sous une forme aussi aboutie et pensée. Petit à petit se construit un ensemble de références [8] dessinant, pour la recherche sur l’histoire de la construction, des perspectives de comparaisons fructueuses. Seules des publications de ce type nous permettront, en effet, de sortir d’une analyse « locale » du vocabulaire technique pour envisager les emprunts, échanges et autres mutations dont ce lexique est, dans bien des cas, l’un des témoins majeurs voire, parfois, le seul. Car si le glossaire est un outil, il n’est pas que cela. Conçu comme l’a conçu Anna Decri, il nous renseigne sur les techniques et les pratiques en usages à Gênes entre 1550 et 1700. Il témoigne alors non de la langue figée ou convenue des traités mais d’une « lange de la pratique », d’une mise en mots du chantier. Des influences s’y font sentir à travers, par exemple, les emplois faits au vocabulaire lombard. Il témoigne aussi, par son ampleur même, de la richesse et de la diversité des pratiques constructives d’une époque.

- Karl-Eugen Kurrer, Werner Lorenz et Volker Wetzk, Proceedings of the Third International Congress on Construction History, Brandenburg University of Technology, Cottbus, Germany, 20th-24th May 2009, Berlin, NEUNPLUS 1, 2009, 3 vol., 1558 pages ill.


Compte rendu de Robert Carvais
Comment rendre compte d’un ouvrage aussi dense qui paraît après celui édité à l’occasion du premier congrès de Madrid en 2003, et celui édité à Cambridge en 2006 pour le second congrès, de même acabit ? Il convient avant tout de le replacer dans le contexte de l’émergence d’une discipline, l’histoire de la construction et d’examiner attentivement, autant que faire se peut, son contenu naturellement disparate.
1/ Une photographie de l’état d’une discipline émergente à un moment donné.
Tout historien de la construction devrait pouvoir trouver des informations sur son sujet, voire découvrir des aspects qu’il ne connaît pas de son propre domaine d’étude.
En 2009 à Cottbus, 400 sujets de communications ont été proposés, 200 projets retenus, 194 publiés en plus des conférences plénières qui devraient paraître postérieurement dans Construction History, la revue de la Construction History Society.
Dans les actes dont nous rendons compte se retrouvent tous les aspects de l’histoire de la construction qui, rappelons-le, est une discipline hybride entre une histoire technologique, ancrée dans l’histoire des techniques et des sciences et une histoire culturelle, qui participe de la vision humaine et sociale de toute question, incluant les approches économiques et juridiques. L’histoire de la construction devrait être, à notre point de vue, avant tout, mixte dans la mesure du possible. C’est-à-dire que les historiens de la construction, comme les historiens des techniques l’ont fait depuis longtemps (cf. le n° spécial des Annales en 1998 et l’article de D. Pestre dans les Annales ESC en 1995), devraient s’inspirer des cultural ou social studies américaines ou de l’anthropologie des sciences et des techniques d’un Bruno Latour et d’un Michel Callon afin de se détacher et à la fois d’une histoire linéaire des sciences et des techniques, purement technologiques mais aussi d’une histoire purement institutionnelle de ces questions.

2/ Mais une photographie géographiquement et temporellement tronquée de plusieurs manières :
- Disparité entre les pays de provenance des intervenants : l’initiative est principalement européenne. 85% environ des communicants sont européens ; 9,8% seulement du nouveau monde (2/3 en faveur du Nord sur le Sud représenté par le 1/3 restant) ; 3, 8 % seulement d’Asie, une goutte d’Océanie et personne du continent africain.
- Disparité même en Europe entre les pays d’Europe occidentale (80%) et orientale (5%). Sur les 85%, 80% proviennent des pays occidentaux comme l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique, la France, les Pays-Bas et la Suisse ; seuls 5% proviennent de l’Europe orientale (pays de l’est).
- Disparité quant aux périodes étudiées : nous constatons une nette domination de l’histoire contemporaine (XIXe-XXe siècles). Près de 55% des communications ne portent que sur ces deux siècles. 40% se partagent les autres siècles de l’Antiquité à la fin XVIIIe siècle.
- Disparité quant aux pays étudiés : même si apparaît subrepticement l’Afrique avec une seule étude et si le continent asiatique emporte autant d’études ou presque que le continent américain (10% versus 11,5%), l’Europe est encore une fois la cible des historiens de la construction, focalisant leur travail sur le vieux continent, et plus particulièrement sur l’Italie (20%), l’Allemagne (12%) – probablement un effet de situation –, l’Espagne (9%) et la France (5%).

3/ Sur le fond, la question est plus délicate. À défaut d’index – ce que seuls les anglo-saxons ont réalisés pour le Congrès de Cambridge et a posteriori – la photographie « cottbusienne » reflète une histoire de la construction orientée, mais dans quels sens ?
Nous avons parcouru l’ensemble des 200 contributions et réalisé un index « sauvage » et forcément subjectif, mais qui permet les constats suivants :
- Typologie des bâtiments étudiés : prédilection pour les travaux sur les lieux des cultes (églises, cathédrales, mosquées, 18/71), les travaux publics (et particulièrement les ponts, 18/71) et les bâtiments industriels (usines, hangar, 9/71). Les communications se répartissent ainsi :

  • 76, abordent surtout, mais non exclusivement, les matériaux et peu les outils. Une majorité s’intéressent aux matériaux nouveaux (acier, béton 33/76, soit 45%), réservant seulement 30% aux matériaux traditionnels (pierre, bois, terre, verre, bambou).
  • 120, le champ constructif tant dans ses aspects scientifiques et techniques (84) que simplement pratiques englobant le second œuvre ou la question des formes (36). Nous relevons une forte proportion d’études sur les structures 35/84, sur l’impact des mathématiques (12/84) et des études archéologiques (11/84). La partie pratique est réservée surtout au patrimoine, sa restauration, sa reconstruction (11/36) et à la représentation dessinée (12/36).
  • 59, les professions de la construction réparties en 3 sous-groupes : celui des individus et des communautés (29/59), celui de la transmission du savoir et des influences (14/59) et celui de la littérature constructive même et des sources (16/59).
  • 49, des objets constructifs, particulièrement des voutes (29/49), des dômes et coupoles (5/49) et des fondations (8/49).
  • 29, des actions constructives, particulièrement la charpenterie (12/29) et la standardisation et préfabrication (7/29).
  • Enfin, 14, la pensée abstraite constructive (la modélisation, 6 ; l’innovation 6).
  • 22, le droit de la construction, surtout l’expertise et le contrôle (14/22).
  • 10, l’économie de la construction, champ quasiment délaissé au grand dam des Britanniques et des Français.

Ces actes de congrès internationaux sont encore trop confidentiels dans nos bibliothèques. Ils conviendraient de les faire connaître et de s’en servir, mais comment sans index ? Telle est un des buts de notre séminaire. Cependant, s’il ne reflète pas la réalité de notre discipline, tant géographique que thématique, doit-on pour autant influer sur le dosage entre technologie et sciences humaines et sociales, doit-on pour autant refuser la participation d’européens si les chercheurs de nombreux pays oubliés ne sont pas visibles, ni joignables ? Nous nous sommes posé ces questions pour le Premier congrès francophone d’histoire de la construction (dont les actes doivent paraître en juin 2010 chez Picard, sous le titre Edifice et artifice. Histoires constructives) et nous y avons répondu de notre mieux à l’échelle francophone malgré l’immense difficulté d’atteindre l’Afrique. Comment allons-nous réagir en 2012 ayant obtenu la charge d’organiser le prochain congrès international à Paris. Gageons qu’il aura sa french touch, comme celui de Cottbus a eu sa particularité germanique réalisée dans une université de technologie, comme celui de Chicago en 2015 aura son american touch proche sans nul doute de celle des allemands puisqu’elle sera organisée par des historiens ingénieurs. L’histoire de la construction dépend ainsi et aussi de l’histoire du pays dans lequel elle est travaillée.

- Susan Verdi Webster (College of William and Mary), « Masters of the Trade. Native Artisans, Guilds, and the Construction of Colonial Quito », Journal of the Society of Architectural Historians [9], 2009, vol. 68, n° 1, p. 10-29.


Compte rendu de Robert Carvais
La ville de Quito est la première ville mondiale à avoir été classée au patrimoine de l’humanité en raison de son exceptionnelle concentration de bâtiments coloniaux du XVIIe siècle. Le fameux « cloître des Andes », comme on la surnommait, conserve pas moins de douze monastères et couvents, sept églises et une cathédrale, plusieurs retraites, ermitages et chapelles indépendantes, ainsi que 5000 maisons de cette époque.
Dans un article programmatique (un livre et un dictionnaire des entrepreneurs sont annoncés), Susan Verdi Webster, professeur d’art et d’histoire de l’art au College of William and Mary (Williamsburg, Virginie) en étudiant la construction de la ville coloniale de Quito, aujourd’hui capitale de l’Équateur, entre 1580 et 1720, remet en question un certain nombre d’idées reçues de façon radicale.
Tout d’abord, l’idée selon laquelle, dans toute conquête coloniale, le travail se répartit entre celui manuel exercé par les autochtones et l’exercice intellectuel de conception et de direction réservé aux colons européens (invenit versus fecit). Pourtant l’étude des registres notariaux, de ceux de l’administration de la ville et d’autres archives spécifiques démontre avec force l’omniprésence des maîtres de métiers indigènes sur cet immense chantier urbain et surtout leur haut niveau de contrôle tant sur la fabrica que sur la ratiocinatio architecturale.
Ensuite, remise en question de l’idée selon laquelle les métiers étant dirigés par le conseil de la ville composé principalement de colons, tout travail était entre les mains de professionnels espagnols ou tout au moins de la hiérarchie coloniale. Cependant, même si la structure et les règlements des métiers reflètent souvent des tensions sociales et racistes à l’égard des indigènes et même si les gens de métiers européens se battent pour conserver leurs secrets de fabrique à l’encontre des indigènes, des structures professionnelles parallèles purement indigènes se sont constituées pour travailler à l’instar des métiers composés de colons, sans toutefois être contrôlées par ces derniers.
Enfin, remise en question de l’idée selon laquelle la participation au travail des natifs était anonyme. La littérature ne reconnaît que des auteurs espagnols ou européens à toute la production architecturale coloniale (conception de plans, traités), ne réservant à la population indigène en bloc que la main d’œuvre anonyme qualifiée comme non qualifiée. Si un nom de natif est parfois cité, il fait figure d’exception. Les traces laissées dans les archives notariales et les livres de comptes prouvent le contraire.
Bien sûr, l’auteur ne revient pas sur la participation de la population native aux travaux de construction proprement dit, aux durs labeurs d’extraction des pierres, à la confection des matériaux, à l’élévation des ponts qui nécessitent une main d’œuvre nombreuse et corvéable.
L’auteur présente sa recherche en deux temps :
- Dans une première partie, elle démontre ses hypothèses susvisées en trois points. Elle explique d’abord le rôle des métiers en matière de contrôle professionnel. Le système corporatif est assez tardif, pas avant 1690. Les corporations du bâtiment ne possèdent pas de statuts. Les archives notariales ne révèlent aucune trace d’apprentissage dans le domaine de la construction. Le métier de bâtisseur se transmettait traditionnellement de façon informelle en raison d’une part de l’existence d’une sorte de « corvée » locale (la mita) couplée avec la tradition inca des yanaconas (serviteurs natifs payés qui servaient de main d’œuvre) et d’autre part de la tradition datant de l’occupation inca selon laquelle certains groupes indigènes se constituaient en spécialités professionnelles et partageaient leur savoir de génération en génération sans toutefois faire l’objet de mita (par exemple, les charpentiers indiens de la ville de Quero).
Ensuite, elle s’attelle à présenter qui s’occupait du champ constructif. Elle prouve l’existence de communautés autochtones de gens du bâtiment. Davantage, elle prouve que celles-ci ont contrôlé l’ensemble de l’industrie de la construction organisé dans un cadre hiérarchique administratif indigène et durant deux siècles.
L’auteur s’attache enfin à la question du contrôle officiellement réservé à des indigènes élus par le chapitre espagnol à partir de 1690.
- Dans la seconde partie de son article l’auteur présente, contrairement à l’anonymat habituel de cette population d’entrepreneurs natifs, trois biographies de maîtres indigènes du bâtiment pour leur redonner une identité et une place dans l’histoire (Diego Vega de Santiago ; Juan Benítez Caňar et Francisco Tipán).
Ce remarquable travail stimulant et innovant renoue avec la tradition initiale d’Auguste Choisy, cet ingénieur historien Français qui, il y a plus d’un siècle, dans une œuvre considérable avait su coupler habilement l’histoire technique et l’histoire économique, juridique et sociale romaine pour devenir le premier historien de la construction. Nous attendons avec impatience de lire les publications à venir.

-  María Isabel Álvaro Zamora et Javier Ibáñez Fernández (dir.), La arquitectura en la Corona de Aragón entre el Gótico y el Renacimiento (1450-1550). Rasgos de unidad y diversidad, Saragosse, Departamento de Historia del Arte de la Universidad de Zaragoza-Fundación Tarazona Monumental, 2009, 384 p., ISBN : 978-84-613-3752-1


Compte rendu de Philippe Bernardi.
L’ouvrage La arquitectura en la Corona de Aragón entre el Gótico y el Renacimiento (1450-1550) rassemble les contributions des participants à une rencontre internationale organisée, sous le même titre, à Saragosse et Tarazona en février 2009 à l’initiative de deux professeurs du Département d’Histoire de l’Art de l’Université de Saragosse : María Isabel Álvaro Zamora et Javier Ibáñez Fernández. Ces actes, publiés dès le mois de juin 2009 dans la revue Artigrama de ce même Département d’Histoire de l’Art (Artigrama, n° 23, 2008), font ici l’objet d’une réédition sous la forme d’un livre indépendant. Rien dans l’introduction de ce volume comme dans les paginations données n’indique de changement entre les deux types de publication ; la double édition n’apparaissant liée qu’à une volonté de donner aux actes du symposium un peu plus d’autonomie et d’en assurer, ce faisant, une plus large diffusion. C’est, dans un cas comme dans l’autre, un volume de 384 pages, abondamment illustré, qui est livré à la communauté scientifique. Plus que d’une publication d’actes, il convient ici de parler, comme le font les curateurs, de recueils d’études ; certains des dix textes rassemblés dépassant une cinquantaine de pages.
Le point de départ ou l’argument de cet ouvrage est de proposer d’observer les manières dont s’effectua le passage de l’architecture gothique à celle de la Renaissance dans ce que Fernando Marías désigne comme des « périphéries européennes » ; le contexte régional choisi (celui de l’ancienne Couronne d’Aragon) s’offrant comme une alternative, dans le contexte historiographique espagnol, à un discours trop longtemps « castillano-centré ». La riche histoire de la Couronne d’Aragon donne à ce contexte régional une dimension particulière puisque l’architecture des années 1450-1550 est alors envisagée tour à tour dans le domaine strictement aragonais, en Catalogne, à Majorque ou Valence, comme en Sicile, dans le royaume de Naples, à Malte ou dans les anciens comtés de Roussillon et de Cerdagne. C’est ainsi un panorama particulièrement vaste que nous permettent d’embrasser les études monographiques réunies dans ce volume. La démarche adoptée s’inscrit en cela dans le prolongement des relations et des travaux engagés depuis plusieurs années entre historiens de l’art italiens et espagnols et dont témoignent les ouvrages et les catalogues d’exposition publiés ces dernières années par Arturo Zaragozá [10] ou Marco Nobile [11] (deux des auteurs du présent ouvrage) sur le Gothique méditerranéen et l’architecture des XVe et XVIe siècles.
Le point de vue « périphérique » adopté offre, par son originalité, l’opportunité de saisir le passage du Gothique à la Renaissance dans une complexité qui voit, autour de 1500, les vocabulaires se superposer, des hybridations se produire et les constructeurs faire montre de « bilinguisme », mais aussi certaines résistances apparaître face au langage renaissant « a la romana ». Il met également en évidence des différences notables, d’un lieu à l’autre ou d’un contexte à l’autre, dans la pénétration des modèles renaissants, revenant ainsi de manière stimulante sur une vision un peu trop monolithique du phénomène.
La multiplicité des expériences richement décrites fait regretter l’absence d’une conclusion générale qui aurait pu reprendre de manière synthétique la question de l’unité et de la diversité du passage du Gothique à la Renaissance dans la Couronne d’Aragon, posée en sous titre au volume.
Si les aspects matériels de ces chantiers sont peu évoqués, c’est que la démarche adoptée est celle d’une histoire de l’art attentive aux mouvements des formes et des hommes qui unissent en partie les diverses régions envisagées. Les études rassemblées rendent parfaitement compte, par leur richesse et leur qualité, de la fertilité de cette période de transition. L’ouvrage, voulu par ses curateurs comme une base à de futures investigations, joue en cela pleinement son rôle, montrant à travers l’évocation de la carrière de quelques figures-clés (hommes de l’art ou commanditaires) ou la mise en évidence de l’impact de certaines entreprises éditoriales, le potentiel non encore épuisé de diverses pistes de recherche.
Il se révèle aussi particulièrement original du fait du parti pris de se situer délibérément « entre » Gothique et Renaissance ou plus exactement à la jonction des deux, attentifs aux survivances comme aux nouveautés et rompant par là avec une périodisation académique par trop rigide quand il s’agit d’appréhender des manifestations humaines forcément complexes et ambivalentes.

 2008

- Hamon Étienne, Un chantier flamboyant et son rayonnement. Gisors et les églises du Vexin français, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté / Société des Antiquaires de Normandie, 2008, Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté n° 834 - Série « Architecture » n°5, 652 p., ISBN 978-2-84867-219-9.


Compte rendu de Philippe Bernardi.
Cet ouvrage est issu d’une thèse de doctorat soutenue en 1996 à l’Université de Besançon, souvent citées mais jusqu’ici peu abordable. Abondamment illustré, il aborde, avec l’architecture gothique flamboyante, un champ de recherche encore peu exploité. Malgré la richesse des témoignages écrits et architecturaux conservés pour cette époque, les édifices flamboyants peinent, en effet, à trouver leur place au sein d’une « architecture gothique » que les grandes synthèses tendent à arrêter avec l’apogée du style rayonnant, dans les dernières décennies du XIIIe siècle. Pour les années 1450-1550 - période charnière entre Moyen Âge et temps modernes -, l’accent a, en outre, surtout été mis par les historiens de l’art sur les prémices de la Renaissance en France, au détriment d’autres expériences formelles menées parallèlement. L’une des qualités majeures de l’ouvrage d’Étienne Hamon est de contribuer à l’appréhension, à la revalorisation ou à la re-qualification d’un style – c’est-à-dire d’une manière originale de construire - longtemps demeuré dans un angle mort de notre historiographie. Cherchant à éviter les dangers du « confinement monographique » et du « comparatisme mystificateur » [12] , l’auteur n’a pas tenté de synthèse prématurée mais s’est attaché à poser, à travers l’étude de Gisors et du Vexin français, un jalon majeur à mon avis pour l’étude de l’architecture flamboyante française. Étienne Hamon est parti d’une lecture ou relecture fine des sources écrites, mettant en évidence les lacunes des éditions sur lesquelles ont été fondées les études antérieures et lui permettant de se « libérer des problèmes d’attribution et de chronologie ». La démarche participe en cela du « regain d’intérêt considérable [pour les comptes de construction médiévaux] parmi les historiens » constaté par René Locatelli et Éliane Vergnolle il y a une dizaine d’années [13] . Son originalité méthodologique réside cependant avant tout dans le croisement opéré entre les données issues de ces textes et celles tirées de l’analyse archéologique des monuments, ce qui rejoint des préoccupations particulièrement vives actuellement pour la communauté des historiens de l’architecture.
L’étude ainsi menée offre une vision à la fois complexe et dynamique du « chantier flamboyant », considéré à travers ses facettes historique, économique, technique ou stylistique. Complexe parce qu’elle s’attache à traiter tout à la fois des financements, des matériaux, des hommes, de leurs techniques et de leurs œuvres. Dynamique parce qu’elle offre la possibilité rare de suivre les voies empruntées par la création architecturale. Pour la France du Nord, la publication de cet ouvrage vient compléter pour la partie occidentale les travaux déjà parus sur les chantiers flamboyants de Troyes [14], Sens [15] et Paris [16].
L’étude, couvrant les années 1495-1548, est divisée en trois parties. La première envisage en une centaine de pages « Les conditions de l’essor de l’architecture flamboyante dans le Vexin ». La seconde, se concentre sur « La reconstruction de l’église Saint-Gervais de Gisors » et évoque tour à tour Gisors à la fin du Moyen Âge, l’église Saint-Gervais, le chantier (financement, approvisionnement et équipement) et ses maîtres d’œuvres, ce chapitre ayant un titre un peu trompeur dans la mesure où s’y trouvent abordés aussi bien les architectes que les ouvriers de la loge, les artisans maçons indépendants, les manœuvres ou les peintres. La troisième partie de l’ouvrage s’ouvre sur une analyse architecturale plus large sur l’architecture flamboyante du Vexin, avec comme fil conducteur la carrière des maîtres d’œuvre tels que Robert Jumel, Guillaume Le Maistre ou Robert Grappin.
Il faut dire un mot, enfin, des importantes pièces justificatives données en fin d’ouvrage (p. 533-523) qui, outre plusieurs extraits de comptes, nous proposent un glossaire, des « Notices sur les principaux artistes ayant travaillé prou l’église de Gisors avant 1548 » et une série de tableaux rassemblant les divers « artisans et fournisseurs ayant travaillé pour l’église de Gisors avant 1548 ».

 2006

- Michèle Éclache, Demeures toulousaines du XVIIesiècle : sources d’archives (1600-1630 environ), Toulouse, CNRS-Université de Toulouse-Le Mirail, 2006, 335 p., (Collection « Méridiennes »), ISBN 2-912025-29-X.

Compte rendu de Philippe Bernardi
C’est un livre peu ordinaire que nous propose la collection « Méridiennes » avec ce Demeures toulousaines du XVIIe siècle. On serait tenté de reprendre à son propos les termes d’« économe simplicité » dont l’auteur use pour qualifier ces demeures. Ici pas de discours esthétisant sur l’organisation des façades ou l’usage de tel ou tel parti pris distributif. Partant précisément du constat que la plupart des travaux consacrés aux hôtels toulousains ne s’étaient pas intéressés aux sources écrites, l’auteur s’est simplement « attelé à ce genre de travail, stimulé par la perspective de découvertes à peu près assurées, étant donné ce vide documentaire » (p. 7). L’objectif en était, dans le contexte d’une multiplication des recherches sur la commande publique et les œuvres toulousaines de quelques grandes figures de l’architecture, de proposer un éclairage sur le « versant de la commande privée » et sur « l’activité de leurs concurrents locaux », qui demeurait un secteur plus négligé. Choisissant comme point de départ le début du XVIIe siècle et se fixant comme terme l’année 1630 qui, en raison de la peste de 1628-1632 lui paraissait marquer la fin d’une époque de forte activité constructrice, Mme Éclache a donc entrepris un dépouillement exhaustif des sources notariales conservées, soit 1466 cotes d’archives. Au terme de ces recherches et comme ultime contre-pied, l’auteur ne propose pas, avec cet ouvrage, une synthèse des données rassemblées mais nous livre une part choisie de l’information mise au jour, puisque n’ont été retenus que les documents relatifs à « des édifices encore existants […] ou suffisamment connus par des dessins ou des photographies ».
Une introduction d’une vingtaine de pages ouvre le propos, abordant la question des sources et passant en revue les différents thèmes renseignés par les textes : Commanditaires et bâtisseurs ; matériaux et mise en œuvre ; Distribution et décor… Vient ensuite la partie majeure, sobrement intitulée « Documents », et qui se présente sous la forme de l’édition de 76 contrats et 24 documents graphiques (pour l’essentiel des planches du cadastre de 1680) répartis en 20 ensembles qui correspondent à 20 demeures toulousaines du XVIIe siècle. Une introduction concise fait le point sur les campagnes de travaux menées au XVIIe siècle pour chacune des demeures retenues puis suivent les documents eux-mêmes. Il s’agit, pour l’essentiel (65 cas sur 76), de ce qui est désigné comme un bail à besogne, soit un contrat de construction dont certains s’avèrent fort longs et précis ; leur édition couvrant jusqu’à une huitaine de pages. Sont aussi présentés divers procès-verbaux, d’alignement ou d’expertise, contrats d’association ou d’achat, quittances et règlement de compte. On appréciera à sa juste valeur, outre l’ampleur du dépouillement nécessaire à leur découverte, l’importance du travail d’édition mené par l’auteur. Les normes suivies pour l’édition de ces documents sont celles proposées par le volume publié par l’Inventaire Général en 1990 [17].
S’il faut regretter quelque chose, on regrettera juste qu’en dehors des renvois indiqués en introduction aucun instrument (un index thématique ?) ne permette une lecture transversale rapide de cette très riche documentation à la recherche des perles et des éléments de comparaison multiples qu’elle peut offrir.
Baies, maçonneries, charpentes, cheminées, latrines, puits, décor intérieur… les postes sur lesquels nous renseignent ces textes sont extrêmement divers. Les rédacteurs évoquent, comme de coutume dans ce type d’écrits, la nature des matériaux à employer ou à réemployer, car ces actes de la pratique révèlent la juste place de ce mode d’approvisionnement. Les modes de mises en œuvre y sont également évoqués quand il est, par exemple, question de poutres « bien piqués et rabotés, garnis de leurs simaises, poussés de leur moulure » (document n° 55, 1621), ou de poser sur les solives des planches « bien piqués, et rabotés, cloués et chevillés, et le tout posé de long à la françoise » (Ibidem). Ce sont toutes les facettes de ce qu’elle définit comme une « architecture de maçons » que Mme Éclache nous permet d’appréhender à travers ces sources d’archives. La masse réunie confère à l’ensemble un caractère exemplaire qui, au-delà des monographies, renseigne sur la manière de bâtir à une époque précise.
En annexe, à la suite de ces documents, le lecteur trouvera un répertoire des architectes, maçons et tailleurs de pierre ayant effectués des travaux « de quelque importance » dans la ville de Toulouse en ce début de XVIIe siècle (p. 259-281). Un répertoire qui, outre une brève biographie, mentionne les sources imprimées et d’archives mentionnant chaque individu. De manière plus surprenante, suit une édition des statuts des maçons datés de 1524 (p. 283-293). Ce texte, inédit jusque-là, était pour l’essentiel encore en vigueur en 1600-1630 et fixait donc le cadre d’exercice du métier, ce qui justifie le parti pris de le faire figurer dans cet ouvrage malgré sa date. Enfin, un glossaire (p. 295-302) fort précieux prend place avant les index des noms de lieux et de personnes.

Ce Demeures toulousaines du XVIIe siècle est assurément un livre utile pour qui s’intéresse à une histoire de la construction ne se limitant pas à ses figures les plus éminentes ou à ses techniques les plus innovantes. C’est un livre rare par sa démarche consistant à proposer à la communauté scientifique un ensemble d’actes de la pratique édités avec rigueur. Et il faut également, au-delà de l’auteur, saluer la démarche de l’éditeur à une époque où l’édition des sources, bien que remise au goût du jour, souffre encore à trouver des supports.
Espérons que son auteur nous livrera un jour la part de son travail restée dans l’ombre avec les documents relatifs aux bâtisses disparues.

 2005

- Iranzo Muñío María Teresa, La peripecia del Puente de Piedra de Zaragoza durante la Edad Media, Saragosse, Grupo de investigación de excellencia C.E.M.A., 2005, Collection Mancuso n° 1, 225 p., ISBN 84-96214-64-8.


Compte rendu de Philippe Bernardi.
Le livre de Mme Iranzo Muñío est le premier d’une collection (Mancuso) de monographies d’histoire médiévale « avec appendice documentaire » publiées par l’Université de Saragosse. Suivant le principe de cette collection, l’ouvrage apparaît double ; une étude historique de quelques 90 pages venant en prologue de l’édition (environ 120 p.) du Livre de la fabrique du pont (Libro de la fábrica del puente) de Saragosse, tenu entre 1401 et 1410.
L’étude livrée, agrémentée d’un ensemble de photographies anciennes et récentes, retrace l’histoire du pont sur l’Ebre de Saragosse, depuis l’Antiquité jusqu’au XIXe siècle, mais en concentrant son propos sur la période du Moyen Âge au cours de laquelle fut érigé le pont de pierre encore visible aujourd’hui. Des premières tentatives inaugurées en 1188, aux avanies subies par les édifices successifs au cours des XIIIe et XIVe siècles, jusqu’à la « fabrique définitive » du pont actuel, entre 1401 et 1440, l’auteur nous donne à voir la construction financière de ce qui se présente comme une « pièce fondamentale de la vie économique de Saragosse » (p. 62). C’est, en effet, le lent processus de formation d’un patrimoine propre au pont - peut-être déjà initié dès l’époque musulmane - que restitue le travail riche et précis de Mme Iranzo Muñío. Les différentes formes de financement de cette lourde entreprise s’appuyant aussi bien sur la seigneurie foncière que sur la piété nous sont décrites avec une grande clarté qui met en évidence les hésitations et les calculs des monarques comme des autorités municipales ou religieuses.
Cette étude s’avère proche par son propos des grandes enquêtes consacrées, dans les années 1970-1980, au financement des chantiers médiévaux [18]. Elle participe d’un renouveau de cette thématique, attesté par plusieurs des contributions données à l’ouvrage dirigé, en 2001 par Odette Chapelot [19]. Au-delà des aspects strictement économiques du chantier c’est sa gestion qui est mise en lumière ; une gestion faite de discussions et de choix dont le livre de la fabrique garde trace.
Les questions de l’approvisionnement du chantier, de ses maîtres d’œuvre ou des engins nécessaires sont évoquées au cours de cette étude mais de manière incidente. Mme Iranzo Muñío ne nous livre pas non plus, ici, les grands tableaux camemberts histogrammes et diagrammes qui mettent en scène les données chiffrées. L’analyse donnée n’a pas prétention à l’exhaustivité. Elle est une des introductions possibles à l’édition du livre de fabrique qui suit. C’est là que les chercheurs trouveront matière à nourrir d’autres approches pour une histoire de la construction riche de nombreuses facettes.
Ce livre de fabrique n’avait fait l’objet, à ce jour, que d’une édition partielle, à la fin du XIXe siècle [20]. Il renferme la copie de plus de 130 pièces collationnées dans la première décennie du XVe siècle afin de permettre le contrôle municipal sur le chantier du pont de pierre initié en 1401. Si quelques pièces comptables y figurent, il s’agit, dans l’ensemble de contrats ou d’inventaires qui donnent une foule de renseignements, notamment sur les matériaux (leur prix, leur travail, leur transport…), la main d’œuvre ou l’outillage. Le livre apparaît composé de deux grands ensembles : le premier réuni des textes de l’année 1401 et porte sur la mise en place du projet. Le second couvre les années 1407-1410 et fournit le détail des dépenses effectuées dans ce laps de temps. S’y ajoute un texte de 1582 exposant les recommandations de l’architecte Juan Ingles concernant le pont. Le livre ne couvre donc pas l’ensemble de la période de construction du pont mais, bien que partielle, cette source recèle des pièces d’une précision et d’une richesse qui laissent entrevoir de multiples possibilités d’exploitation. Et l’on ne peut que se réjouir de ce que Mme Iranzo Muñío les ait mis, avec cette édition, à notre disposition.

 2004

- Pierre-Yves Le Pogam, Les maîtres d’œuvre au service de la papauté dans la seconde moitié du XIIIe siècle, Rome, 2004.


Compte rendu de Philippe Bernardi.
Le livre de Pierre-Yves Le Pogam sorti en 2004, mais dont la réception est restée assez discrète en France, rassemble trois études de cas concernant la manière dont l’institution pontificale a organisé ses rapports avec le monde de la construction dans la seconde moitié du XIIIe siècle (1254) et les premières années du XIVe siècle (1304). De ce point de vue, le titre de l’ouvrage est plus réducteur que son contenu qui s’intéresse à l’ensemble des modalités institutionnelles selon lesquelles des projets architecturaux plus ou moins ambitieux ont pu être mis en œuvre et non au seul personnage ou à la seule institution chargée de faire office de maître d’œuvre. En revanche, il ne parle pas beaucoup du détail des travaux et de l’organisation des bâtiments, rôle qui avait été dévolu à sa thèse, sortie l’année suivante : De la « Cité de Dieu » au « Palais des papes ». Les résidences pontificales dans la seconde moitié du XIIIe siècle, Rome, 2005. Le fait que l’ouvrage puisse mettre en lumière trois formes complètement différentes de maîtrise d’œuvre est caractéristique de cette période de la fin du XIIIe siècle durant laquelle l’institution pontificale commence à se transformer en profondeur mais sans disposer de plan de réforme organisé, par tâtonnement et expérimentation de différentes solutions. Les trois systèmes de maîtrise d’œuvre qui furent expérimentés à cette époque sont la délégation du suivi des travaux à une commune, en l’occurrence Pérouse, la délégation à des religieux et enfin le contrôle centralisé des travaux par l’institution pontificale elle-même.

1er modèle : le recours aux communes
La première étude de cas part des accords pour la construction d’un palais et l’installation de la cour passés entre la commune de Pérouse et la Curie entre mai 1283 et mai 1284. Cette installation prend place sous le pontificat de Martin IV (1281-1285). Les négociations entre la ville de Pérouse et la papauté commencent parce que Pérouse est placée sous interdit pour avoir attaqué la ville voisine de Foligno ce qui place le pape, qui entre à Pérouse en octobre 1284, dans une position favorable pour négocier. Un point très intéressant dans ces accords est que les textes de Pérouse ne sont pas les seuls conservés : des négociations similaires sont connues antérieurement pour la ville de Viterbe en 1266 et 1278. Le Pogam compare ces textes, ce qui permet de se rendre compte que dans ses négociations avec les communes du patrimoine de Saint Pierre, la papauté utilisait un formulaire précis qui resta presque le même durant cette période : après un préambule sur la nécessité de la lutte contre l’hérésie (1) les points suivant abordent la question du logement qui doit être fourni au pape (2), le logement gratuit des cardinaux et de leur suite (3) et celui des principaux curialistes (4). Un élément notable du point de vue du jeu avec les contrats, mais aussi de celui des conceptions médiévales de la construction est que l’accord exigeait que soit remis au pape un palais neuf (et non un palais déjà existant). En fait, le pape reçut une résidence nouvelle, mais entendue dans un sens particulier, puisqu’on lui donna la jouissance du palais du podestat et de la commune d’une part et d’une partie du palais canonial de l’autre, palais voisins qui furent réunis, ce qui montre la conception particulière qu’on pouvait avoir d’un palais neuf. Les sources permettent aussi de voir que la direction des travaux fut confiée à un certain Fra Bevignate, un bénédictin, qui fut chargé de diriger les travaux comme surintendant (superstes), ce qui amène à poser la question des attributions exactes d’un tel personnage dans le suivi des travaux. C’est l’objet de sa seconde partie.

2e modèle : l’appel à des religieux maîtres d’œuvres
Dans ce second chapitre, Le Pogam part de la nécessité de se démettre de deux modèles : celui de l’historiographie catholique qui a exalté la figure des moines bâtisseurs et de celle héritée de Viollet-le-Duc, positiviste et athée, qui n’imaginait l’architecte que comme un laïc sans attaches avec le monde des clercs pour lesquels il travaillait. Une de ses idées est aussi qu’on exagère toujours la part prise par les cisterciens dans la construction alors qu’on minimise celle prise par les frères mendiants. Il s’efforce donc de reprendre la question des religieux bâtisseurs en signalant la grande difficulté qu’il y a, étant donné le caractère elliptique des textes, à faire la différence entre les véritables architectes ou spécialistes de la construction et les maîtres d’ouvrage au sens ceux qui gèrent le chantier administrativement et financièrement. Il montre qu’il existait indubitablement des religieux pourvus de compétences d’architectes mais que le modèle de l’administrateur des œuvres existait aussi, c’est le cas de Fra Bevignate qui n’est pas selon lui un architecte, même si sur ce point sa démonstration n’est pas forcément définitive car il montre que les sources ne permettent pas de l’affirmer mais pas non plus de l’infirmer et dans le doute il conclut à son incompétence comme architecte.
Dans d’autres cas, on a affaire à des vrais spécialistes de la construction : il évoque par exemple les frères Sisto et Ristoro, deux dominicains actifs sous le pontificat de Nicolas III qui ont travaillé à la construction de Santa Maria Novella et auraient pu ensuite travailler au Vatican. Leur spécialité aurait été la maîtrise de la construction des voûtes. Cite aussi sous Nicolas IV (1288-1292), Jacopo Torriti, auteur de plusieurs mosaïques (à St Jean de Latran et Ste Marie Majeure) dont Le Pogam propose de faire un franciscain ou un tertiaire franciscain qui se serait représenté lui-même sur ces mosaïques en train de bâtir ces absides, donc il propose d’en faire l’architecte des deux absides et pas seulement un mosaïste. Si cette démonstration n’est guère convaincante, elle permet en tous cas d’établir que les mosaïques représentent les maîtres d’œuvre de Nicolas IV comme des franciscains (mais pas forcément lui). Au total, il existait bien un vivier de franciscains capables de jouer le rôle comme maîtres d’œuvre mais on trouve à la fois parmi eux des administrateurs et de véritables architectes dont l’emploi présentait pour la papauté et les communes l’avantage de la gratuité !

3e modèle : l’organisation centralisée
Le dernier mode d’organisation est celui du contrôle centralisé des œuvres. À l’origine de la mise en place de ce système centralisé se trouve la nécessité d’entretenir les basiliques romaines, qui contrairement aux autres églises de Rome dépendaient uniquement de la papauté. Dès le XIIe siècle existait un groupe de maçons chargé de l’entretien de St Pierre. D’Innocent III à Nicolas III, les sources pontificales liées à la construction citent régulièrement des membres de la famille Cosma, les célèbres marbriers, dont certains membres de la famille semblent avoir rendu aussi des services d’architecte.
Enfin, c’est dans les documents sur Pérouse en 1284, qu’on voit apparaître le premier véritable maître des œuvres de la papauté. Les sources mentionnent en effet l’envoi sur le chantier d’un certain, Giovanni di Pace, dont Le Pogam émet l’hypothèse qu’il pourrait être le fils de Pace di Valentino, célèbre orfèvre siennois, qui travaillait au service des papes. Le fils aurait réutilisé les mêmes réseaux mais dans une spécialité un peu différente. Il exploite ensuite les comptes de l’aumônerie pontificale qui conservent des mentions de travaux en 1285-86. Les comptes sont tenus par un certain maître Albert (de Parme) qui est en tant qu’aumônier du pape chargé de nombreux travaux.
L’idée de Le Pogam, c’est qu’on fonctionne dès l’époque de Martin IV (1281-1285) sur le modèle du binôme entre un véritable maître d’œuvre (Giovanni di Pace) et un clerc administrateur (Albert de Parme), les rares sources conservées pour cette époque ne permettant de voir que l’un ou l’autre de ces personnages en action. Ce qui semble valider cette hypothèse est que c’est bien ainsi que le système se stabilise sous le pontificat de Boniface VIII moment où on commence à avoir des sources comptables plus abondantes. On retrouve le même binôme avec un certain maître Cassetta comme maître d’œuvre et Nicola da Piglio comme clerc des œuvres. C’est d’ailleurs encore ce système qui reste en vigueur à Avignon sous Jean XXII, même si alors la multiplication des chantiers fait qu’on multiplie les binômes pour chaque grand chantier.

Au total, Le Pogam conclut en disant que la papauté semble très en retard si on la compare à la cour anglaise mais que si on l’inscrit dans le contexte italien, on s’aperçoit que les villes travaillent beaucoup au coup par coup (au contrat) jusqu’aux années 1280 donc que les deux types d’institutions sont dans la même chronologie. Idem pour les Flandres et la France, à peine plus précoce. Seul le pouvoir frédéricien a été sur la même chronologie précoce que l’Angleterre. Il émet aussi l’hypothèse d’une influence française dans la création d’un service des œuvres pontifical puisque Martin IV avait fréquenté la cour de France à l’époque où existaient déjà des maîtres d’œuvre comme Eudes de Montreuil (maçon 1262) ou Honorat (charpentier 1269) et insiste sur les longs séjours de Boniface VIII en France.
Dès le début du livre, Le Pogam insiste beaucoup sur le fait qu’on ne peut pas associer les trois modes de gestion du secteur de la construction utilisés par les papes à des phases successives : il signale par exemple que la délégation à la commune de la construction des palais pontificaux continue à exister après l’apparition d’un service des œuvres. Il précise cependant que les trois systèmes coexistent « au moins dans un premier temps », car on voit quand même que l’évolution vers une plus grande centralisation correspond à une évolution générale de l’institution. En effet, un des éléments intéressants est qu’on retrouve à l’échelle du secteur de la construction des choix et des mécanismes qui concernent ensuite l’institution dans son ensemble et qui auraient pu être exploités par l’auteur : après cette mise en place du contrôle centralisé de ses programmes de construction, la papauté abandonne aussi, sous le pontificat de Clément V, la sous-traitance de la gestion de ses finances aux banques italiennes pour faire de la Chambre apostolique, qui n’était jusque-là qu’une chambre des comptes, un organe de contrôle, l’institution centralisée contrôlant à la fois le trésor et les mouvements financiers de la papauté pour l’ensemble de la Chrétienté. Au total, cet ouvrage n’en reste pas moins très précieux car il permet de réintroduire la papauté, jusque-là très négligée, parmi les grands commanditaires du XIIIe siècle et d’établir des liens concrets, du point de vue des pratiques institutionnelles, entre les deux mondes trop souvent disjoints des papautés avignonnaise et romaine.


[1] Bazzana A., « La terre, un matériau millénaire dans les pays du pourtour méditerranéen », Mediterrâneo, 8/9 (1996), p. 41-88 ; Baudreu D., « Observations sur les constructions en terre crue dans l’Aude (Moyen Âge et époque moderne) », Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude, CII (2002), p. 57-64 ; Chazelles Cl.-A. de et Klein A. dir., Échanges transdisciplinaires sur les constructions en terre crue, 1. Terre modelée, découpée ou coffrée, matériaux et modes de mise en œuvre, Montpellier, 2003 ; Chazelles C.-A. de, Guillaud H. et Klein A. dir., Échanges transdisciplinaires sur les constructions en terre crue, 2. Les constructions en terre massive, pisé, et bauge, Montpellier, 2007.

[2] D. Fontana, Della trasportazione dell’obelisco vaticano et delle fabbriche di nostro signore papa Sisto V, Rome, 1590.

[3] L’éditeur a par erreur porté le numéro 5 sur la page de garde, mais il s’agit bien du volume 6 comme noté sur la couverture.

[4] A. Boato, Costruire « alla moderna », materiali e techniche a Genova tra XV e XVI secolo, Florence, All’Insegna del Giglio, 2005, coll. Biblioteca di Archeologia dell’Architettura, 4, 166 p.

[5] L. Grossi Bianchi, Abitare « alla moderna ». Il rinnovo architettonico a Genova tra XVI e XVII secolo, All’Insegna del Giglio, 2005, coll. Biblioteca di Archeologia dell’Architettura, 5, 107 p.

[6] Nous renverrons aux cinq volumes de recueil d’articles de Tiziano Mannoni réunis sous ce titre général en 1994 : 1. Archeologia dell’Urbanistica ; 2. Insediamenti Abbandonati ; 3. Caratteri Costruttivi dell’edilizia storica ; 4 Arceologia delle techniche produttive ; 5. Archeometria, Gênes, ESCUM, 1994.

[7] Mortet V. et Deschamps P., Recueil de textes relatifs à l’histoire de l’architecture et à la condition des architectes en France au Moyen Âge, Paris, 1911 (t.I), 1929 (t.II)

[8] On peut, par exemple, mentionner le cite http://wissensgeschichte.biblhertz…., sur le vocabulaire de la construction romaine entre Renaissance et Baroque, ou l’ouvrage de Mercedes Gómez-Ferrer Lozano, Vocabulario de arquitectura valenciana. Siglos XV al XVII, Valence, 2002 (Coll. « Estudis », 18).

[9] Célèbre revue américaine d’histoire de l’architecture publiée depuis 1941 et éditée conjointement par la Graduate School of Design de l’Université d’Harvard et le Centre Canadien d’Architecture de Montréal depuis 1997.

[10] Zaragozá A. (dir.), Una arquitectura gótica mediterránea, Valence, 2003.

[11] Nobile M. (dir.), Matteo Carnilivari, Pere Compte 1506-2006, due maestri del gotico nel Mediterraneo, Palerme, 2006 ; Garofalo E. et Nobile M (dir.), Gli ultimi architetti del gotico ne Mediterraneo tra XVe XVIe secolo, Palerme, 2007.

[12] Cf. Sur ce point la préface de Léon Pressouyre à l’ouvrage de Denis Cailleaux, La cathédrale en chantier. La construction du transept de Saint-Étienne de Sens d’après les comptes de la fabrique 1490-1517, Paris, 1999.

[13] R. Locatelli et E. Vergnolle, « Les comptes de construction médiévaux et l’histoire de l’architecture », Revue de l’art, 110, 1995, p. 42-43.

[14] Murray S., Building Troyes Cathedral, the Late Gothic campaigns, Bloomington-Indianapolis, 1987.

[15] D. Cailleaux, La cathédrale en chantier. La construction du transept de Saint-Étienne de Sens d’après les comptes de la fabrique 1490-1517, Paris, 1999.

[16] Bos A., Les églises flamboyantes de Paris (XVe – XVIe siècles), Paris, 2003.

[17] Barbiche B. et Chatenet M. dir., L’édition des textes anciens XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Inventaire Général - E.L.P., 1990, 128 p. (Documents et méthodes)

[18] Citons notamment : Biget J.-L., « Recherches sur le financement des cathédrales du Midi au XIIIe siècle », Cahiers de Fanjeaux, 9, 1976, p. 127-164 ; Contamine Ph., « Les fortifications urbaines en France à la fin du Moyen Âge : aspects financiers et économiques », Revue historique, CCLX/1 (1978), p. 23-47 ; Vroom W. H., De financiering von de Kathedraalbouw in de middeleeuwen, in het bijzonder van de dom van Utrecht, Maarssen, 1981 ; Kraus H., Gold was the Mortar. The Economics of Cathedral Building, Londres, 1979, traduction française À prix d’or. Le financement des cathédrales, Paris, 1991 ; Rigaudière A., « Le financement des fortifications urbaines en France du milieu du XIVe siècle à la fin du XVe siècle », Revue historique, CCLXXIII/1 (1985), p. 19-95.

[19] Chapelot O. (dir.) Du projet au chantier. Maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre aux XIVe-XVIe siècles, Paris, 2001.

[20] Herranz y Laín C., Fábrica del puente de piedras de Zaragoza, Zaragoza, 1887.