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Expertise

 Le besoin d’expertise

1re rencontre : Toulouse, du 14 au 16 Octobre 2010

Certaines situations économiques, sociales ou juridiques impliquent le recours à des procédures particulières et à des hommes connaissant à la fois une question, un terrain, une technique et étant en mesure de rendre compte. Les experts sont d’abord des hommes dont la compétence est reconnue. Elle ne suffit pas à les placer en situation d’expertise. Il faut pour cela une reconnaissance soit d’autorités publiques, soit celle du groupe social ou économique intéressé à juger de la qualité d’un produit ou de sa valeur sur le marché. Il faut tout d’abord interroger le mot et s’arrêter longuement sur ce que les hommes du Moyen Âge considéraient comme en relevant et sur un point tout à fait essentiel, celui de la professionnalisation de sa figure.
Durant le haut Moyen Âge, par exemple, tout échange de terres entre un laïc et un établissement ecclésiastique donne lieu à la désignation d’hommes susceptibles de mesurer la valeur de terres, soit en les arpentant, soit en en comparant la productivité. Il y a donc ici rencontre entre une autorité et un savoir ou une capacité. Les marchés ont d’autre part besoin d’expertise pour fonctionner. Il faut tout d’abord des praticiens bien informés de l’ensemble des enjeux et susceptibles d’arbitrer les conflits ou de contribuer à la formation des prix par leur position d’intermédiaires entre acheteurs et vendeurs. On pense en particulier aux courtiers qui, parce qu’ils maîtrisent les canaux de l’information économique sont dans une situation particulière sur les lieux physiques où se déroulent les échanges. L’expert est lié à toutes les fonctions de médiation et d’arbitrage que le bon déroulement de l’échange marchand implique. Les modalités de leur action comme la réalité de leur présence doivent donner lieu à des enquêtes que le projet vise précisément à stimuler.
Les chaînes opératoires mises en œuvre dans les ateliers – et notamment dans la draperie – impliquent l’intervention de jurés qui effectuent un contrôle strict sur la qualité de ce qui est produit. L’expert, ici, est celui qui reçoit autorité pour juger de la valeur d’un produit par rapport à la norme définie par les statuts.
Enfin, il existe tout un champ, celui de la fiscalité foncière, où l’expertise est évidemment indispensable, puisqu’il faut attribuer une valeur à des terres, les estimer, afin de calculer le montant de contributions. Les statuts et les pratiques des villes italiennes, de même qu’une abondante bibliographie, devraient permettre d’aborder aussi cette question.
Bref, cette première rencontre vise à établir les moments et les situations dans lesquelles il faut à la fois mobiliser des compétences particulières et une autorité pour faire fonctionner convenablement les chaînes opératoires, les lieux de l’échange et assurer les modalités pratiques du prélèvement fiscal. Il s’agit là évidemment d’un champ immense que l’on restreindra en fonction des propositions de contributions qui pourront être faites.

 Maitrîse, contrôle et expertise

2e rencontre : automne 2011
Le lieu et la date sont à déterminer

L’un des problèmes les plus importants que le projet devra examiner est lié aux compétences, comme il a été dit plus haut. Les experts sont d’abord des hommes qui maîtrisent un savoir pratique ou théorique. L’ingénieur est, sur le chantier, en position permanente d’expertise mais non pas en situation juridique d’expert. Il doit opérer des choix justifiés par sa connaissance de l’art mais n’a en aucune manière à donner son avis sur ce qu’il fait lui-même. Dans ce cas, on fait appel à un praticien extérieur, comme sur le chantier du Dôme de Milan où le travail des architectes locaux est examiné (et férocement critiqué) au début du XVe siècle par un architecte français. De même, les jurés dans les ateliers de tissage ou sur les tendages se pratiquent un contrôle nécessaire de la qualité du produit. Ils ont un savoir-faire et une connaissance précise des fraudes possibles, parfois d’ailleurs décrites dans les statuts. Leur désignation par une instance juridique (le métier) fait de lui un expert susceptible d’informer le juge pénal qui prononce les amendes en cas de fraude. Le savoir ne porte pas seulement sur les pratiques du chantier mais aussi sur les valeurs et leurs équivalences : un changeur maîtrise un savoir spécialisé indispensable dans le cadre de certaines opérations, par exemple s’il faut vérifier la qualité d’une frappe monétaire.
L’identité et les parcours de personnages placés pour les besoins de la cause en situation d’estimer des qualités ou d’arbitrer sur des valeurs fait partie du questionnement. De même la façon dont est reconnue la compétence particulière qui justifie la position de l’expert doit être interrogée : s’agit-il d’une désignation par la puissance publique ? S’agit-il au contraire de la renommée d’un individu que sa réussite particulière ou sa position dans une communauté désigne pour exercer cette fonction ? L’alliance de la procédure et de la compétence doit permettre de mieux cerner d’abord la figure de l’expert.
L’expertise intervient à certains moments dans la chaîne opératoire : elle n’est pas permanente. Elle permet d’exclure certains produits de la mise sur le marché. Elle amène aussi à prononcer des sentences contre d’éventuels fraudeurs ou des maîtres simplement négligents. Comprendre comment cela marche implique de se pencher sur les aspects techniques de l’expertise, c’est-à-dire tout ce qui a trait à la mesure et aux procédures mises en œuvre afin d’évaluer les objets : comment s’y prend-on ? Que fait exactement l’expert lorsqu’il est sur le terrain. La façon dont on procède à un arpentage ou les techniques utilisées pour apprécier les objets usagés dans le cadre d’un chantier de construction font partie du propos.
Bref, il s’agit de donner un contenu concret au propos en s’interrogeant sur les modalités qui permettent de déterminer une valeur, de certifier la qualité d’un produit ou d’identifier une fraude.

 L’inscription de l’expertise

3e rencontre : Madrid, Casa de Velazquez, automne 2012

Les expertises laissent des traces écrites. Quelles formes prennent-elles ? Il est difficile d’en juger a priori : il faut interroger la documentation sous cet angle. Les comptabilités seigneuriales montrent qu’il existe une compétence dans la mesure des objets et dans leur évaluation. Quelles-sont celles qui relèvent, au sens strict, de l’expertise ? Dans certains manoirs anglais, il existe des procédures d’évaluation du profit du domaine qui semblent bien en relever. Les enquêtes seigneuriales, même les plus frustes, ont recours à l’expertise lorsque les enquêteurs désignés par l’autorité désignent dans la population ceux dont la parole vaut d’être écoutée et dont le témoignage sera retenu ou reçu. Il importe alors de s’interroger sur les procédures d’interrogatoire, d’une part et sur les mises par écrit de celles-ci d’autre part. Dès lors que surgit une interrogation sur la valeur de telle ou telle redevance et que des équivalences peuvent être établies. La question des rites, c’est-à-dire des gestes par lesquels l’expert a procédé (voir, palper, mesurer), fait partie naturellement de la question.
La trace écrite laissée par l’expertise est construite. Elle passe par des procédures d’enquête, de recherche et de recueil de l’information qui sont liées entre elles. La construction de la trace écrite laissée par le rapport d’une part, mais aussi l’organisation de celui-ci en fonction de la finalité de l’expertise d’autre part doivent également faire l’objet d’un questionnement. Les formes de l’écrit, rapports, simples cédules, procédures complètes entièrement décrites sont également l’objet de notre enquête.
On espère, après la réalisation de ce programme, déboucher sur une publication qui permettrait de faire le point sur cette importante question.