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Comment traiter la construction ? Traités de construction ou traités d’architecture
Introduction, Robert CARVAIS et Joël SAKAROVITCH
Résumés et présentation des auteurs
Discutant João MASCARENHAS MATEUS (Centre d’Études Sociales (CES) de l’Université de Coimbra - Portugal)
Chercheur au Centre d’Études Sociales (CES) de l’Université de Coimbra (Portugal). En 1987, il est diplômé ingénieur civil de l’Université Technique de Lisbonne (UTL), puis maître ès sciences en Architecture de la Katholieke Universiteit Leuven (Belgique) où il a travaillé comme assistant-chercheur (1993-1995). Il devient expert de la Communauté européenne pour l´évaluation de projets de Conservation architecturale et du patrimoine culturel (1993-1998). Sa thèse de doctorat qu’il soutient à l’Université La Sapienza de Rome porte sur l’utilisation de techniques traditionnelles de construction de bâtiments en maçonnerie dans la conservation architecturale. À Rome, il conçoit et dirige les travaux de conservation de l’Institut Portugais et du Collège Pontifical Portugais. Il soutient un doctorat en Génie Civil à l’UTL en 2001. Il enseigne la « Cultore della materia » à la Faculté d’Architecture Valle Giulia de l’Université La Sapienza de Rome (2002-2004) et est nommé collaborateur scientifique de la « Scuola di Specializzazione in Conservazione dei Monumenti » depuis 2002. Il est le coordinateur technique de la candidature de la Baixa Pombalina (centre-ville de Lisbonne) à la Liste du patrimoine mondial – UNESCO Word Heritage (2003-2006). Il organise en 2010 la Première Conférence sur l’Histoire de la Construction au Portugal et devient un des acteurs principaux du Premier Congrès International Luso-Brésilien d’histoire de la construction (Vitória, Espírito Santo) en 2013. [2]
Pierre CAYE (Directeur de recherche au CNRS), « La dimension constructive de la conception architecturale chez Leon Battista Alberti »
Résumé : Dans cet exposé, trois points fondamentaux seront questionnés. Il sera d’abord montré dans quelle mesure, de façon totalement nouvelle par rapport au De architectura de Vitruve, Alberti intègre, au livre I du De re aedificatoria, les données constructives dans sa conception même du projet de sorte que les opérateurs de conception s’en trouvent radicalement changés par rapport au Vitruve. Nous examinerons ensuite la mise en place au livre III du traité d’une conception universelle de la construction qui, au moyen de l’analogie, unifie les principes constructifs aussi bien du point de vue matériel (qu’il s’agisse du bois ou de la pierre) que du point de vue morphologique (architecture plate ou architecture courbe). Enfin nous verrons dans quelle mesure l’importante question de l’ornement, dans les derniers livres du De re aedificatoria, confirme ou au contraire affaiblit ce modèle constructif fort qu’Alberti met en place dans les 3 premiers livres de son traité.
Pierre Caye, directeur de recherche au CNRS, mène ses recherches sur le De architectura de Vitruve et sur la théorie architecturale à l’âge humaniste et classique. Il s’agit de mesurer l’importance de la discipline architecturale non seulement dans la constitution de la théorie de l’art du XVème jusqu’au début du XIXème siècle, mais, plus généralement encore, dans l’élaboration d’un paradigme inédit de la technique, distant à la fois du monde des artisans et de celui des ingénieurs, paradigme qui certes annonce par maints traits (culture du projet, emploi des mathématiques, etc.) la technique des Modernes mais en entretenant avec la nature un rapport radicalement distinct de l’approche démiurgique que propose cette dernière. Recherche qui, à travers la perspective technique ainsi revisitée, permet de questionner différemment les rapports de l’homme au pouvoir et à son horizon métaphysique. [3]
Luc TAMBORERO (Compagnon tailleur de pierre, doctorant au laboratoire GSA), « La stéréotomie des ingénieurs, cours et traités de Philippe de la Hire ».
Résumé : Dans cet exposé, trois points fondamentaux seront questionnés. Il sera d’abord montré dans quelle mesure, de façon totalement nouvelle par rapport au De architectura de Vitruve, Alberti intègre, au livre I du De re aedificatoria, les données constructives dans sa conception même du projet de sorte que les opérateurs de conception s’en trouvent radicalement changés par rapport au Vitruve. Nous examinerons ensuite la mise en place au livre III du traité d’une conception universelle de la construction qui, au moyen de l’analogie, unifie les principes constructifs aussi bien du point de vue matériel (qu’il s’agisse du bois ou de la pierre) que du point de vue morphologique (architecture plate ou architecture courbe). Enfin nous verrons dans quelle mesure l’importante question de l’ornement, dans les derniers livres du De re aedificatoria, confirme ou au contraire affaiblit ce modèle constructif fort qu’Alberti met en place dans les 3 premiers livres de son traité.
Luc Tamborero est tailleur de pierre de l’Association ouvrière des Compagnon du Devoir du Tour de France (AOCDTF) et entrepreneur. Il travaille sur les applications géométriques dans la construction ; il termine actuellement sa thèse, au laboratoire GSA , sur les traités de stéréotomie de Philibert de l’Orme à Philippe de La Hire. [4]
Alberto GRIMOLDI (Professeur au Politecnico de Milan, Dipartimento Di Architettura E Studi Urbani), « La construction à la française et sa diffusion en Europe par les éditions du « Cours… » de Charles Augustin d’Aviler ».
Résumé : Bettina Köhler a bien expliqué le contexte éditorial dans lequel paraît en 1691 le « Cours d’architecture, qui comprend les Ordres de Vignole… » d’Augustin Charles D’Aviler et nous a donné les clés de son succès, consacré par ses nombreuses éditions jusqu’en 1760, dont elle illustre les variations. Le livre s’adresse « aux Ouvriers » ; c’est-à-dire qu’il est dédié aux praticiens, architectes et entrepreneurs : Daviler lui aussi, comme l’a démontré Thierry Verdier, a beaucoup bâti. Il actualise et adapte Vignole aux habitudes et aux besoins des commanditaires français, ainsi qu’il l’avait déjà fait pour le sixième livre de L’idea de Scamozzi (1685), toujours sur les ordres architecturaux. Dans ce cas, la paternité était attribuée à l’architecte italien, même si le texte français est un abrégé réadapté plus qu’une traduction. Si les éditions italiennes de Vignole, de la fin du XVIème siècle, s’étaient enrichies de planches et de sujets pour augmenter leur diffusion, l’édition de 1710 du Cours se présente, par les rajouts de Leblond, comme une véritable synthèse de l’art de bâtir telle qu’on la conçoit en France. Le Muet avait accolé à ses traductions de Vignole et de Palladio sa « Manière de bâtir pour toute sorte de personnes » (1642) ; Leblond développe le thème du plan et du rapport entre distribution et parcelle dans un chapitre entier qui exalte l’art « moderne » et « français » de la distribution et le complète, au niveau du détail constructif, par le chapitre sur les « compartiments de menuiserie », qui comprend aussi les châssis à verres. Mais déjà Daviler avait consacré les derniers chapitres aux matériaux et à la coupe des pierres, pour donner un aperçu général du savoir architectural, que le dictionnaire achevait.
Cette vision d’ensemble, avec toutes ses limites, explique sa présence fréquente dans les bibliothèques de l’Italie du Nord (et de l’Europe entière) où les commanditaires pouvaient se rapprocher des modèles français par la tradition italienne, pouvant ainsi mieux saisir les différences, sans trop se soucier du débat théorique, ni posséder de notions techniques approfondies.
C’est néanmoins la culture constructive qu’il est intéressant d’examiner de très près, car elle est esquissée d’un point de vue contemporain, et, d’un autre côté, elle contribue à en fixer l’image dans le reste de « l’Europe cultivée ».
Références bibliographiques récentes :
Bettina Köhler, Die Architektur ist die Kunst, gut zu bauen. Charles Augustin D’Avilers « Cours d’Architecture qui comprend les Ordres de Vignole », Berlin, gta/Gebr.Mann Verlag, 1997.
Thierry Verdier, Augustin Charles D’Aviler, architecte du Roi en Languedoc, Presses du Languedoc, Montpellier, 2003.
Id., « Entre collage de citations et références professionnelles le "Dictionnaire d’architecture" d’Augustin Charles d’Aviler », dans Le livre et l’architecte, textes réunis par Jean-Philippe Garric, Émilie d’Orgeix et Estelle Thibault Wavre, Bruxelles, Mardaga, 2011, pp. 187 -201.Alberto Grimoldi est Professeur ordinaire de restauration architecturale au Politecnico de Milan, Dipartimento Di Architettura E Studi Urbani, et Directeur de l’Ecole de Spécialisation en Sauvegarde du patrimoine bâti. Il a privilégié dans ses travaux l’histoire des techniques constructives du XVIe au XVIIIe siècle et l’histoire de la sauvegarde architecturale. [5]
Nicoletta MARCONI (Professeur à l’Università di Roma Tor Vergata – Facoltà di Ingegneria Storia dell’Architettura), « Le Castelli e Ponti di maestro Nicola Zabaglia dans les éditions de 1743 et 1824 : un manuel pour la pratique de la construction et de la restauration en architecture »
Résumé : De la reconstruction de la basilique vaticane (1506) à la chute de l’état pontifical (1870), la Fabrique de Saint-Pierre a représenté l’un des modèles les plus influents en matière de construction pour l’époque moderne. L’extraordinaire efficacité atteinte dans l’organisation de la main d’œuvre et dans le perfectionnement des techniques constructives s’y conjugue à l’évolution des machines et des échafaudages employés pour la construction et la restauration.
Avec le début des travaux de restauration dans la basilique de Saint-Pierre à la fin du XVIIe siècle, la planification des échafaudages, fixes ou mobiles, devint une activité centrale du chantier du Vatican, grâce, notamment, à l’œuvre de Nicola Zabaglia, ingénieux « maître pontonnier » (mastro pontiere) capable de superviser les interventions d’entretien ordinaire ou extraordinaire dans les plus brefs délais et avec un succès assuré. La contribution de Zabaglia à la pratique constructive et à la restauration est fameuse depuis la publication du volume intitulé Castelli e Ponti di maestro Nicola Zabaglia, publié en 1743. Le volume marque le passage du traité au manuel d’architecture, se présentant comme une nouveauté radicale dans le domaine de la littérature technique. Il s’agit en effet d’un manuel précurseur qui, conservant la structure du traité, devient un instrument efficace de réaffirmation de la suprématie papale, et pas seulement en matière de construction.
La fortune critique du Castelli e Ponti est incontestée et durable ; la seconde édition, publiée en 1824 avec l’ajout de quelques planches, ne s’est pas ressentie des autres publications contemporaines telles que l’Architettura pratica de Giuseppe Valadier (1828-32) ou les manuels de Jean-Baptiste Rondelet (1802-17) et Nicola Cavalieri San Bertolo (1826-27), lesquels confirmèrent l’importance des inventions de Zabaglia et conseillèrent l’adoption de Castelli et Ponti par les écoles d’ingénieurs. Si, en effet, l’application de nouveaux systèmes de calcul et la plus grande familiarité aux méthodes scientifiques marquent un écart culturel avec les siècles précédents et la graduelle affirmation de l’ingénierie mécanique, au début du XIXe siècle s’affirma la nécessité d’établir de nouveaux modes d’enseignement pour tous les secteurs de la formation, y compris ceux de la formation professionnelle et artisanale. Ceux-ci furent réorganisés sur le modèle des Académies européennes et, surtout, des écoles des Arts et Métiers françaises. La Fabrique de Saint-Pierre elle-même créa une école pour ses « artisans », appelée Studio Pontificio delle Arti, à laquelle fut confiée la transmission de la tradition opérative et en premier lieu dans le secteur de la construction, mis en valeur dans l’œuvre de Zabaglia.
Cette contribution entend mettre en lumière les caractères et l’importance scientifique de cette extraordinaire publication in folio, ses rapports avec les traités de construction contemporains (italiens et, plus largement, européens) et avec la pratique opérative de son temps, ainsi que son influence sur la pratique de la restauration architectonique aux XVIIIe et XIXe siècles et les applications qui peuvent encore être les siennes aujourd’hui.Nicoletta Marconi est architecte et professeur d’histoire de l’architecture à la faculté d’ingénierie de l’Université de Rome Tor Vergata. [6]
Revue de publications récentes sur l’histoire de la construction :
Compte rendu de Philippe de La Hire, Entre architecture et sciences, Picard, 2013
Les sources du Traité d’Architecture de d’Alleman : la bibliographie du traité d’architecture
AG de l’Association Française d’Histoire de la Construction (AFHC)