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Accueil du site > Programmes > Transiger > Compte rendu de l’atelier 2 - 12 décembre 2012

Compte rendu de l’atelier 2 - 12 décembre 2012

 Discussion J. Hayez

Discussion avec Jérôme Hayez sur l’organisation et l’objet du groupe de travail ainsi que sur les formes que peut prendre sa participation au groupe de travail qu’il rejoint.

Le groupe peut travailler dans la perspective d’un volume collectif écrit à plusieurs, qui ne soit pas une juxtaposition de contributions individuelles (type actes de colloque). Le volume comprendrait des chapitres thématiques articulés entre eux, et non une succession de présentations de cas monographiques, ce qui suppose la construction d’un plan commun reflétant la progression du travail du groupe. Le volume comprendrait également des documents édités. Le rythme de deux séances par an est confirmé : printemps/automne (plutôt que le début de l’hiver). À chaque séance doivent être associés un thème précis et un texte programmatique.

La notion de transaction retenue par le groupe est très large, de sorte qu’elle englobe aussi bien les dots que des opérations commerciales ponctuelles, c’est-à-dire des transactions a priori uniques et des opérations répétables, des transactions ayant un horizon temporel large ou restreint. Pour l’agency de l’individu, ces opérations ne se valent pas. Faut-il pour autant exclure de l’examen les alliances entre familles ? Il faut différencier des catégories de transactions en fonction de leur temporalité, d’où la nécessité de prendre en compte a priori les transactions dans leur diversité. L’expression « économie domestique » renvoie à toute maison qui organise sa survie, son entretien, son développement, sa reproduction, par le biais de transactions nouées avec l’extérieur. L’alliance fait donc partie des transactions susceptibles d’être observées, puisqu’un ménage, une famille, est une maison. Mais un collège, une communauté religieuse… ou une agence commerciale est une autre forme de maison dont l’économie s’organise par des transactions qui peuvent être différentes.

Jérôme Hayez présente deux pistes possibles de travail :
- Étudier en dépouillant des comptabilités et quelques pactes conservés, mais surtout à partir de correspondances échangées entre les différents membres de l’agence Datini d’Avignon et le chef du réseau commercial, Francesco di Marco, les relations de travail autour de cette agence (entre associés, facteurs, apprentis, servantes et familiers des associés et les collaborations avec des artisans extérieurs à l’agence et des agences situées sur d’autres places). Les transactions ne comptent ici guère que comme ouverture d’un échange de services de protection, fidélité, travail et dévouement et ce sont davantage la réalité de ces services et prestations et leur réponse aux attentes de chacun qui motivent la poursuite des relations dans la durée. Cette option mettrait ainsi davantage en lumière les attentes des acteurs s’engageant dans une transaction que les transactions elles-mêmes.
- Les transactions de crédit de l’agence, qu’il peut être possible de recenser et d’étudier à partir d’un des memoriali, enregistrements chronologiques de base couvrant en général une période d’une année, et au besoin suivre sur une plus longue durée le recouvrement des créances. Il s’agirait alors de repérer un traitement éventuellement différencié des différents débiteurs et de voir comment il recoupe les différents cernes d’appartenance à l’agence : membres, amis, collègues marchands, seigneurs et prélats de la cour pouvant faire figure de protecteurs de l’agence, clientèle urbaine, population de passage constituée de voyageurs, pèlerins, hommes d’armes et colporteurs. Inconvénient = la dimension temporelle des transactions risque d’étendre les dépouillements. Avantage = la curiosité de Jérôme pour cet aspect moins exploré des relations interpersonnelles dans ce réseau. La proposition est donc faite d’évaluer la durée et l’intérêt du dépouillement d’un memoriale, quitte à se replier au besoin sur la première option, pour laquelle un dossier assez fourni a déjà été constitué.

 Dossier M. Morestin

Examen du dossier de documents présenté par Mélanie Morestin Dubois

Extraits du livre de raison (1370-1377) de Jean Teisseire, marchand cordier d’Avignon, enregistrant ou mentionnant six transactions avec Olivier Seguret, boucher, de 1370 à 1376. => une relation suivie.

Jean Teisseire loue des étals de boucherie à Olivier Seguret. Leurs relations sont plus larges : Jean Teisseire fait crédit au frère d’Olivier Seguret, à son oncle, à sa mère. Olivier Seguret est aussi un fournisseur de l’hôpital dont Jean Teisseire est administrateur. Ces transactions de location s’inscrivent donc dans une épaisseur relationnelle (au sens de relations superposées ou pluridimensionnelles). Il sera sans doute possible de localiser plus précisément

Chacune des deux premières transactions (fol. 14v et 56) occupe une page entière du livre, contrairement à beaucoup d’autres transactions du livre. Celles qui fixent les conditions de location sont ainsi particulièrement mises en valeur, tandis que celles qui interviennent plusieurs années après les premières transactions n’occupent pas le même espace du livre. La temporalité de ces transactions s’inscrit donc sur le livre. À partir de la 3sup>e transaction (fol. 74), le livre porte de simples mentions rapides de paiement, dans une présentation habituelle (coexistence de plusieurs transactions sur la même page). Remarque : contrairement à d’autres registres ou papiers marchands, OS n’écrit pas lui-même dans le livre de Jean Teisseire. => les modalités d’inscription des transactions sont significatives de certains caractères des relations entretenues par les partenaires.

Les deux premières transactions, pour lesquelles les interlocuteurs varient quelque peu, donnent lieu à un contrat notarié ou carta (qui doit fixer l’emplacement des étals et les modalités de paiement), pas les suivantes. À quoi sert ce redoublement de l’acte notarié par le livre de raison ? Est-ce simple commodité pour Jean Teisseire qui dispose ainsi d’un livre général (le « grand livre ») qui synthétise ses affaires et qui renvoie à ses archives ?

De manière plus générale, il existe une diversité (et une hiérarchie juridique en tant qu’instrument probatoire dans le cas de Florence) des notations des transactions commerciales : le seing privé autographe du partenaire ; le papier marchand ; l’acte notarié non mis en forme (nota) ; l’acte notarié en forme… Le registre marchand est un objet normé acquis par le marchand sous forme d’un registre relié vierge (et non une série de cahiers remplis au fil du temps ou de conserve et reliés ensuite ensemble), que le marchand subdivise en parties a priori, ce qui explique les lacunes de certaines de ces parties. Ici celui de JT fait 20 cm sur 30 cm environ, compte 200 feuillets environ. La nature du support écrit doit être soigneusement précisée pour que la description de la transaction soit complète : quelles stratégies d’inscription ?, quelle unité d’inscription (cahier autonome, partie de livre…) ? => interrogation codicologique.

Dans le livre de raison, le discours est direct, contrairement à l’acte notarié : n’est-ce pas là aussi une raison du redoublement de l’acte notarié ? Autre différence : vernaculaire/latin. Le passage à l’acte public devant notaire modifie la transaction (dans ses formes seulement ou dans sa substance ?). Il faut étudier ces traces de la transformation des transactions qui se produit lors du passage à l’acte notarié.

De la lecture de ce dossier se dégagent au moins deux pistes de réflexion = l’épaisseur relationnelle qui soutient les transactions et les modalités d’inscription des transactions. Méthodologiquement, c’est cette piste qui doit être explorée en premier. Ce sera donc le thème de la réunion du printemps 2013.

 Dossier M. Dejoux

Examen du dossier de documents présenté par Marie Dejoux

Dans ce dossier, situé dans un cadre rural, dans le pays de Laon (Picardie) dans la première moitié du XIIIe siècle, des transactions (de crédit) orales sont au cœur de l’étude : il n’y a pas là d’inscription des transactions, mais des rituels et dispositifs matériels de transactions qui apparaissent dans des narrations postérieures. La source = enquêtes de réparation du roi Louis IX de 1247, ici procès-verbaux des témoignages recueillis contre Gautier, châtelain de Laon. Le cahier relatif au pays de Laon dans cette vague d’enquêtes compte 77 témoignages pour 16 affaires différentes, dont 2 seulement concernent des questions de crédit, le reste des affaires portant sur la mainmorte et la servitude.

L’affaire peut se résumer ainsi : plusieurs années avant 1247, Usuraria et son mari sont deux serfs du roi qui ont emprunté 40 l. à Henri avec la garantie de plusieurs personnes, notamment le serf Huard Froment. Les époux n’ayant pas payé, celui-ci a été emprisonné. Il demande que les biens du couple servent au paiement de la dette pour pouvoir être libéré, ce à quoi s’oppose le châtelain (royal) Gautier, au nom du droit de mainmorte du roi sur les biens de ses serfs. La question juridique en filigrane de cette affaire est la suivante : les serfs peuvent-ils gager leurs biens en garantie d’un emprunt ? Les échevins du lieu

On relève l’importance des montants en cause : 40 l. On s’interroge donc sur un éventuel caractère frauduleux du crédit : ne s’agit-il pas d’un emprunt fictif destiné à mettre à l’abri de la mainmorte les biens des serfs ? On aurait alors une communauté locale fortement organisée, ce que traduirait le témoignage favorable des échevins. Si les montants sont réels, a-t-on affaire à des serfs fortunés (la servitude étant commune dans ce pays) ou à des serfs lourdement endettés ayant accumulé des retards de paiement et se voyant réclamer une forte somme ? Nécessité de caractériser l’opération de crédit initiale. Les témoignages sont riches pour aborder la qualification des transactions et le lexique du crédit.