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Le plâtre, matériau de construction
Introduction, Philippe BERNARDI et Robert CARVAIS
Résumés et présentation des auteurs
Yvan LAFARGE, (archéologue et historien des techniques, est responsable d’opération, assistant qualifié de conservation du patrimoine au Bureau du patrimoine archéologique, Département de la Seine-Saint-Denis, DCPSL/SPC), « Le plâtre, archéologie d’un matériau de construction en Ile-de-France ». [2]
Résumé. La prééminence du plâtre dans la construction en région parisienne depuis le Moyen Age se caractérise par la variété d’utilisation de ce matériau dans tous les contextes sociaux. Les usages de ce matériau sont récurrents depuis l’Antiquité dans les différentes phases de la construction, premier et second œuvre. Toutefois la connaissance encore partielle de ces usages aux époques les plus hautes suggèrent des interrogations sur l’approche et la compréhension des vestiges archéologiques. En revanche, les continuités techniques sont extrêmement fortes depuis l’époque médiévale. A partir de cette époque, les usages de ce matériau sont à la fois diversifiés dans leurs différentes déclinaisons (construction, sculpture, décors…) et dans les contextes d’utilisations (on le retrouve dans l’habitat rural ou aristocratique). L’examen de la morphologie du bâti spécifiquement construit en plâtre permet de s’interroger sur les évolutions de forme du bâti.
Si on ne sait rien des modes de production du plâtre les plus anciens, un fait marquant est son industrialisation tardive ; étrange parallèle, les modes de mise en œuvre sont marqués par de très fortes permanences techniques. L’utilisation du plâtre depuis l’Antiquité est toutefois marquée par des ruptures techniques qui empêchent de considérer ce matériau dans la longue durée d’un strict point évolutionniste. Ainsi, l’objectif est d’identifier dans une perspective diachronique l’ensemble des chaînes techniques de la production à la mise en œuvre du plâtre, afin d’en caractériser les ruptures par l’innovation. Grâce à ce décryptage, on met en lumière un système économique mêlant exploitation « minière » du plâtre à l’exploitation du même matériau basée sur des cycles de récupération. Les approches, variées et complémentaires et des comparaisons croisées ainsi que la validation d’hypothèses par l’archéologie expérimentale permettent de mieux comprendre ces phénomènes.
Jonathan BOREL (prépare actuellement un Master à l’Université Pierre Mendès-France de Grenoble), « Les gypseries de Sainte Tulle ».
Résumé. Les fouilles et l’étude architecturale de la chapelle du village de Sainte-Tulle, dans les Alpes de Haute-Provence, menées par C. Michel d’Annoville et R. Fixot ont permis de découvrir plusieurs fragments en plâtre appartenant à un même ensemble décoratif. Ces éléments livrent des informations sur les techniques mises en oeuvre lors de la création puis de la pose. Le type de décor et le contexte de la découverte permettent d’attribuer cet ensemble à l’époque moderne, plus précisément au XVIIe siècle. Toutefois, il reste difficile d’interpréter cet ensemble, compte tenu du faible nombre de fragments conservés et faute d’un recueil d’exemples complets permettant les comparaisons. On ignore encore s’il s’agit de fragments d’un retable ou d’éléments constituant le décor d’un élément architectural (encadrement d’une ouverture ou autre). L’étude de ces fragments est menée dans le cadre d’un master 1, en prenant appui sur ces découvertes archéologiques et en ayant recours aux documents écrits. L’objectif est d’identifier ce décor et de l’insérer dans un contexte de production plus large, en s’interrogeant notamment sur les artisans et les commanditaires d’un tel type de création.
Philippe LARDIN (Maître de conférences habilité en histoire médiévale à l’université de Rouen (Groupe de Recherche d’HIStoire - GRHIS), « Plâtre et plâtriers en Normandie orientale à la fin du Moyen Âge ». [3]
Résumé. Le plâtre était un matériau très utilisé dans certaines parties de la Normandie orientale à la fin du Moyen Âge. Produit à partir de gypse parisien, il était fabriqué dans les lieux de consommation, particulièrement à Rouen. Toutefois, les problèmes de transport réduisaient son emploi en dehors de la vallée de la Seine. Grâce aux comptabilités et aux statuts rouennais des plâtriers qui remontaient au milieu du XIIIe siècle, on peut constater que son utilisation était très variée depuis les parois intérieures et extérieures des habitations jusqu’aux décorations les plus fines. Il servait aussi aux couvreurs ce qui liait ces artisans aux plâtriers de manière assez complexe. Dans tous les cas, le plâtre était considéré comme indispensable et on n’hésitait à récupérer le « plâtre vieux » quand des problèmes climatiques ou politiques interrompaient l’approvisionnement en gypse. Quoi qu’il en soit, les plâtriers connaissaient une certaine aisance mais la situation n’était pas la même selon qu’ils produisaient eux-mêmes le plâtre ou qu’ils l’achetaient pour le mettre en œuvre.
Julien SALETTE (Staffeur ; il prépare actuellement un Master à l’Université de Toulouse-Le Mirail), « Outillage et techniques du gipier provençal, l’exemple de Riez (Alpes de Haute Provence) XVIe-XVIIe siècle. Apport de la tracéologie ».
Résumé.Le matériau plâtre possède des propriétés plastiques et mécaniques qui confèrent aux mortiers des qualités spécifiques : finesse du grain et donc du détail, forte tenue mécanique, rapidité de prise… Ces propriétés favorisent la conservation de « traces » du travail du gipier (plâtrier). Le plâtre apparaît donc comme un support privilégié pour l’analyse tracéologique. L’étude des traces d’outils et de mises en œuvre permet trois types d’observations techniques. D’une part, ces traces constituent un apport d’informations sur l’outillage utilisé par le gipier. D’autre part, nous pouvons observer et analyser l’outil dans son usage : fonction, gestuelle, phase de prise de la matière… Enfin, l’ensemble de ces observations permet d’envisager la reconstitution de chaînes opératoires, ouvrant ainsi la voie à l’archéologie expérimentale.